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Rajo a bien plus qu’un « nouveau pied »

Il ne se passe pas un jour sans miracles – petits ou grands – sur le navire-hôpital de Mercy Ships. Des gens se voient débarrassés d’une tumeur qui les accable déjà depuis des années. Des femmes rejetées de leur communauté parce qu’elles étaient devenues incontinences suite à leur accouchement sont enfin libérées de cette affection. Des enfants sont délivrés d’une fente labiale tant détestée. Bien sûr, se rendre compte qu’ils sont guéris est un moment de vive émotion mais il en faut plus pour leur rendre leur dignité.

Prenez par exemple le petit Malgache Rajo, fils de Tojo, son papa. Déjà jeune, il portait plus que son lot de misères. Il n’a quasi pas connu sa maman, emportée par la dengue, et il est né avec un pied bot. Ce n’est pas qu’il en était profondément malheureux ou que cela lui valait des railleries. Mais, bien souvent, il se voyait exclu lors de jeux « parce qu’avec un pied comme ça, ça ne va pas ». Donc, il n’avait qu’un rêve : « Papa, s’il te plaît, fait quelque chose pour ce pied. ». Et, chaque fois, Tojo, qui ne demandait pas mieux que d’aider son fiston, en éprouvait un nouveau pincement au cœur. Mais, il ne savait pas que faire.

Et voilà que soudain il semblait quand même y avoir une solution : ils pouvaient se rendre dans un hôpital où la position du pied droit serait corrigée. Mais à quel prix ! Pas moins d’un million d’ariarys malgaches, soit un peu plus que 400 euros. A nos yeux, cela paraît raisonnable mais pour quelqu’un qui gagne sa vie en tant que conducteur de rickshaw dans un pays miséreux, il s’agissait d’un montant impossible à rassembler. Et l’espoir de s’envoler !

Mais un jour, il entend à la radio que Mercy Ships se trouve dans le pays et que les gens peuvent se rendre sur leur grand navire-hôpital pour y obtenir des soins gratuits. Tojo n’a pas hésité un instant et le lendemain, dès l’aube, il s’est précipité à la consultation de sélection des patients avec Rajo. Et c’est avec une explosion de joie qu’il a accueilli la décision : feu vert ! Le pied bot ne serait bientôt plus qu’un mauvais souvenir !

Autant le papa était content, autant le petit Rajo avait peur. Et il y avait de quoi. Le garçonnet, retiré de son environnement familier, se retrouvait sur un navire immense, dans un environnement totalement inconnu. A cela s’ajoutait que les gens à bord étaient de parfaits inconnus, ce qui en soi était déjà suffisamment préoccupant. Qu’en plus, ils ne ressemblaient en rien à ceux avec lesquels il avait été en contact jusque-là et qu’ils parlaient une langue totalement différente. Sans parler de leur couleur de peau différente.
Mais les thérapeutes et le reste du personnel médical en avaient vu d’autres. Ils ont tout mis en œuvre pour le rassurer et pour ramener un sourire sur son visage. Et, ils lui ont expliqué qu’ils allaient « arranger » son pied. Ils ont réussi avec la grande distinction.

Nous rétablissons tout
A ce propos, le physiothérapeute américain Dean Hufstedler tient à préciser certaines choses. « Avant tout, les patients viennent à nous avec un réel espoir que nous nous pourrons les débarrasser de leur malformation physique. Mais nous faisons beaucoup plus. Nous nous occupons de leur état émotionnel et de leur bien-être mental. Faire en sorte qu’ils se rendent compte qu’ils sont dignes d’estime et qu’ils comptent vraiment est tout aussi important que la guérison physique. Et cela ne va pas de soi. ».

Et c’est également ainsi que cela s’est passé pour Rajo même s’il a fallu sérieusement puiser dans la boîte à malice pour y arriver. Autocollants, jeux de société avec des animaux, ballons à modeler, grimaces, tout y est passé. Le fait qu’à la longue, il imitait tout ce que ses accompagnants faisaient a été judicieusement exploité par ceux-ci pendant sa revalidation.

Un personnel médical en nombre a veillé à ce que le repos post-opératoire, les nouveaux plâtres, l’apprentissage de la marche soient acceptés plus facilement. Lentement mais sûrement, l’équipe a gagné son amitié et sa confiance. Et c’est ainsi qu’ont disparu la crainte du bruit des ciseaux à plâtre lorsqu’il fallait lui mettre un nouveau plâtre et l’aversion vis-à-vis des exercices de revalidation. Le cœur de Rajo commençait à guérir, comme l’a formulé très joliment une personne de l’équipe. Alors qu’initialement, il ne se sentait en sécurité que dans les bras de son père, il est devenu ami notamment avec la physiothérapeute française Elise Martinez. Dès qu’il la voyait, il fallait qu’elle le serre dans ses bras.

Les femmes à bord du navire sont devenues la maman qu’il avait perdue deux ans auparavant. Ainsi, son séjour à bord non seulement lui a donné le pied qu’il avait toujours demandé à son papa mais lui a également donné confiance dans les gens et dans l’avenir. Il a appris la signification de l’amour inconditionnel et ça, c’est peut-être aussi important que son « nouveau pied » !